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La pluralité des autismes [1911-1935-…]

Leo Kanner et Hans Asperger auraient emprunté le terme d’autisme à Bleuler? Pas du tout.

Bleuler nommait avec ce terme un symptôme secondaire de la schizophrénie? Oui mais pas seulement, il y a déjà dans son travail des usages divers et même hétérogènes de l’autisme.

Entre Bleuler et Kanner, l’autisme serait passé du statut de symptôme à celui de syndrome et du registre secondaire au primaire? C’est la lecture étriquée d’une histoire psychiatrique qui continue à raconter la découverte de l’autisme dans un jardin des classifications.

Entre Bleuler et Frankl/Asperger/Kanner il y a eu… le succès de l’autisme! Et avec ce succès une démultiplication de ce qui était décrit sous ce terme. Tant et si bien que c’est de Minkowski et Kretschmer que les viennois reçurent l’autisme, avant de le passer à Kanner.

Vienne/Kansas City : de la domestication à l’autisme [1925-1944-1958]

À Vienne, pendant la décennie qui précède l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, Anni Weiss, George Frankl, Viktorine Zak, Hans Asperger et quelques autres sont à la recherche d’une fonction expressive de sociabilité qui serait responsable de l’éducabilité de l’enfant. Il en ressort une attention soutenue à certains signes affectifs des enfants dans leur travail quotidien d’éducation thérapeutique et de là, chez Frankl, la notion de contact affectif. En passant Frankl nomme alors « autisme » l’absence de contact affectif, et « autistique » la jouissance procurée par des actes méchants perpétrés par ces enfants chez lesquels il suppose une encéphalite précoce. Asperger fera un usage différent de ces mêmes termes et descriptions pendant la seconde guerre mondiale, dans sa thèse. Weiss, quant à elle, n’utilisa jamais les termes autisme ou autistique dans ses travaux.

Baltimore : L’entraînement intensif de George Frankl et Leo Kanner [1938-1943]

Forcé à l’exil à la fin de l’année 1937, George Frankl quitte Vienne pour les USA où il retrouve et épouse Anni Weiss qui avait fui dès 1934. Il débarque à Baltimore pendant l’été 1938. À peine est-il engagé à la Child Study Home du Maryland que Leo Kanner lui envoie un garçon dont il ne sait que faire: Donald T. Commence alors une période intense pour Frankl, Kanner et Weiss: apprentissage de la langue, enseignement/traduction des concepts forgés à Vienne, tentative de naturalisation, observation de Donald, puis d’Elaine, re-découverte et re-définition de la psychiatrie de l’enfant.

Mais lorsque vient le moment de publier, Leo Kanner et George Frankl ne sont pas sur le même rivage…

La grande accélération [1945-]

la réserve

autismuseum : un musée pour lire l’autisme

Aujourd’hui le terme d’autisme est entouré d’une aura scientifique. Dès qu’il en est question les pratiques, les savoirs, les possibles sont tenus d’obéir à des impératifs qui sont presque systématiquement légitimés par « la science ». Quiconque prétend faire, dire ou tenter quelque chose ayant à voir avec l’autisme est prié de se référer à de la science par exemple en faisant état d’études et autres recherches qui justifient son élan — mais c’est alors s’exposer le plus aux enjeux de la crise actuelle des pratiques scientifiques — sinon au moins en affirmant son allégeance à ses idéaux tels que l’objectivité, l’efficience, la preuve…

Dans ce contexte, ce qu’il est convenu d’appeler l’histoire de l’autisme joue à double sens. Depuis que Leo Kanner en a lui-même écrit les premières lignes dès son article de 1943 cette histoire a été un relai essentiel de la naturalisation de l’autisme, dans un enroulement l’un sur l’autre du constat et de la fabrique de son unité. Cependant depuis une dizaine d’année, les guerres de l’autisme (Autism Wars) et surtout l’explosion du nombre de diagnostic étant passées par là, l’histoire de l’autisme a vu sa production se dédoubler. Elle continue de produire L’autisme, au singulier, comme elle l’a toujours fait, mais s’y ajoute désormais DES archives, et c’est là la nouveauté puisque auparavant elle ne tenait quasiment que sur le dire de Leo Kanner. Ces archives, appelées à la rescousse dans un temps de crise, sont intégrées aux récits de découverte, aux récits de pionniers, aux récits héroïques avec des bons et des méchants, à la médecine rétrospective, aux histoires de plagiat et même aux vignettes cliniques, à tout ce qui compose et renforce le grand récit de L’autisme.

Et pourtant ces archives font irruption.

Elles ne confirment pas l’unicité naturelle de l’objet autisme, sa découverte datable et sa stabilité anhistorique. Elles montrent au contraire la pluralité de ce qui est nommé sous ce terme depuis son invention. Elles interrogent la constitution des différents champs dans lesquels un objet nommé autisme est venu se loger. Elles font apparaître dans de saisissants contrastes les horizons d’objectivité disparates qui ont donné lieu à l’épopée contemporaine du concept d’autisme. Elles accompagnent notre regard le long des méandres de l’évolution mondialisante des pratiques scientifiques depuis la seconde guerre mondiale. Elles invitent à distinguer aujourd’hui entre les programmes naturalistes et les procédés de naturalisation, et donc à reprendre la question des rapports entre le concept d’autisme, la place de la nature et des pratiques scientifiques dans nos sociétés.

C’est pourquoi autismuseum n’est pas un musée d’histoire, et encore moins d’histoire de l’autisme, mais un musée pour lire l’autisme, dans ses montages et ses mises en scènes, scientifiques et historiques.

Bonne visite.