Emplacement de la Galicie sur une carte de l’Europe contemporaine, actuellement en Ukraine.

Leo Kanner est né Chaskel Leib Kanner en 1894 à Klekotow, un village de Galicie à proximité de la frontière avec la Russie dans une zone multi-linguistique régulièrement annexée par les pays adjacents. De facto polyglotte dans ce contexte géo-politique chahuté, élevé dans une famille juive orthodoxe mais ayant suivi une scolarité classique grâce à l’insistance de sa mère passionnée par les Lumières, Kanner latinise dès l’enfance son prénom Leib en Leo. Il est un élève brillant à Brody puis à Berlin où s’installe la famille sur la route de Londres au début de son adolescence.

Ils restent à Berlin et c’est là que la passion de Kanner pour la poésie et la littérature va s’épanouir. Profondément marqué par l’évolutionnisme d’un Haeckel, il voue un culte sans limite à Gerardt Hauptmann et au courant naturaliste. Après l’échec de ses tentatives pour faire publier ses poèmes Kanner s’engage dans des études de médecine qu’il termine par une thèse de cardiologie examinant les liens entre les tracés de l’électrocardiogramme et du phonocardiogramme.

Dès ses premières années d’exercice se conjuguent sa passion littéraire et sa pratique médicale. Par exemple lorsqu’il exhume des dizaines de fragments de mythes, légendes et rituels populaires autour des dents pour des étudiants dentistes en recherche de sujets pour le mémoire « culturel » qui était alors exigé dans leur cursus par l’université. Ou bien quand il soigne bénévolement les membres de la Vilna Truppe de passage par Berlin. Difficile de dire si cette combinaison du médical et du poétique s’intensifie ou se défait lorsqu’il accepte la proposition de poste d’un médecin américain, et avec elle la promesse d’un avenir économique plus serein. En 1924 il part s’installer à Yankton, Dakota du Sud, pour y travailler en tant que… psychiatre! Sa rencontre simultanée avec le monde asilaire et le continent américain s’accompagne d’une fièvre d’écriture poétique et d’un certain empêchement à écrire quoique ce soit qui relève de sa nouvelle spécialité. Il parvient à sortir quelques articles d’allure freudienne. Ainsi dans ce qui peut être considéré comme sa toute première publication scientifique originale, le premier « cas » dont il présente une « étude psychiatrique » est Peer Gynt, le fameux personnage du dramaturge norvégien Henrik Ibsen.